Il est « mourut »! ( AI Septembre 2023)

Ce mois -ci il faut raconter un souvenir de rentrée avec quelques contraintes. C’est Sabrina, ma copine du blog « Entre les lignes » qui s’y colle. Elle veut qu’on lui parle de l’école, j’ai choisi un souvenir du temps où l’on m’apprenait lécole pour être maîtresse d’école.

C’est la course pour trouver la salle de cours, malgré la courte présentation des lieux par le pion IEN ( Interne de l’Entreprise Neuronale), la bande des Minouches Libres Du Soutif, arrive toujours en retard sous les regards lubriques des mecs pour notre balcon ballotant et l’œil courroucé du prof de sciences. Celui-ci a le nez bien rouge et son haleine de chacal, pour nous sermonner, nous rappelle qu’il a non seulement un chat dans la gorge, mais qu’il a aussi avalé la litière. Nous sommes en 1983, dans l’enceinte de l’ancêtre des ITFM (Institut Temporaire de déFormation des Mômes), l’École Normale ( Ah bon ? Parce que y’ a des écoles pas normales ? Bin oui vous allez voir). Heureusement, les heures de colle n’existent plus. On reçoit juste une remontée de bretelles (pas de soutifs, puisqu’on milite contre cet outil barbare, qui nous écrase les pare-chocs.). Aujourd’hui notre promo est choisie pour servir de cobaye à des enseignants encore détenteurs (les bienheureux) de la flamme sacrée au bout d’une quinzaine d’années, qui souhaitent apprendre à apprendre aux minots de la profession, c’est-à-dire les nousôtres, (la bleusaille), comment développer une meilleure version de nous-même pour offrir la même chance de se faire une place au soleil des générations de marmots qui passeront entre nos mains. Ils se présentent au CAFIPEFM (Certificat d’Aptitude à la Fouille Intempestive de Précepteurs d’Enfants Face à la déMission des parents).

 C’est Cathy qui a tiré la plus courte paille, donc c’est elle qui sera la dinde de la farce. Oui, pour certifier l’enseignant déjà Maître dans l’art (pas l’art en trait, ni l’hareng saure ou encore l’art é-fée-mère), mais bien l’harpé-dingue en  Goji, il faut qu’un bleu officie, qu’il soit ensuite trituré, passé au peigne fin, par le susdit Maître, et tout ça devant un aéropage gratiné, formé de grands cerveaux aguerris aux différentes écoles ( souvent sur le papier), de Summerhill scool ( dont l’épine dorsale est le self goverment, entendre, je fais ce que je veux quand je veux), l’école Montessori (où l’agir pour grandir, le faire pour apprendre, priment,) l’école de Piaget ( le fameux constructivisme, où l’on apprend en déconstruisant nos idées et préjugés après expérimentation, où on apprend aussi en observant l’autre, le sacro-saint effet vicariant dans la zone proximale de développement chère à Vygotsky), la pédagogie du projet qui émerge tout de même au 16eme siècle à Rome (entendre planification des tâches à hiérarchiser pour atteindre un objectif précis) et des observateurs, nous la jeune garde, qui devions prendre des notes pour ensuite être rapporteur de déroulé de la séance, et y apporter des remédiations, ce qu’on appelle aussi le retour par rétroaction ou metacognition Vous êtes perdus ou ennuyés ? Oui nous aussi cela nous déroutait. Personne ne nous parlait de bon sens, ni de considérer l’apprentissage comme un jeu, ni de fédérer les marmots dans l’esprit du savoir devenir en tant que futur citoyen.

Alors nous avons parlé, pratiqué le remue-méninge jusque tard dans la nuit, à grand renfort de caféine, pour tenter d’anticiper les pièges que pourrait nous tendre une leçon sur la locomotion du poisson rouge. Nous avons dessiné, préparé des feuilles d’expérimentations pour chaque groupe de la classe de CP où Cathy devait entrer en piste. Dix fois nous avons vérifié le matériel, écouter la cassette du blop blop d’un poisson dans l’aquarium, fort bien imité par Philippe. Nous étions fiers de notre bocal de la mer, rempli de goémons, qui devait être un indice pour faire deviner aux enfants, les yeux bandés, le sujet du jour, et notre sélection d’écailles sèches de poisson à toucher aussi les yeux fermés. Pour apporter plus d’ambiance, Christine avait passé une partie de la nuit à enregistrer le bruit de la mer. Bref les enfants avaient bien deviné que nous parlerions de la mer, et plus précisément du poisson. Ensuite, après un recueil des hypothèses quant à leur locomotion et comment le prouver, chaque groupe était parti mener son expérimentation. Lors de la mise en commun, entre le scotch sur la nageoire, la ficelle pour les attacher, un groupe nous surpris avec un morceau de pate à fixe et un chewing gum pour immobiliser les nageoires (matériel que nous n’avions pas fourni). Mais le clou du clou, ce fut Xavier, tout juste 6 ans.

« Moi, je vais faire l’expérience devant vous », annonce -t-il fièrement. Cathy devint blanche, nous, nous retenions notre respiration, quant au Président du jury, l’IEN, il a retiré ses lunettes, s’est redressé sur la chaise où sa digestion de la pause méridienne devait être terminée, et stupeur…sous nos yeux esbaudis, Xavier saisit sa paire de ciseaux, et sectionna d’un coup sec et prompt une nageoire pectorale et avant même que nous puissions réagir il avait tranché une nageoire pelvienne.

Observant le poisson qui bien sûr en déséquilibre, battait de sa nageoire caudale pour se maintenir, finit par se laissait aller sur le fond du bocal.

Xavier, ouvrit de grands yeux et dans sa naïveté cria :

« Oh mince, je crois qu’il est « mourut là ! »

Nous étions médusés. Personne ne pipait mot. La petite Cécile se mit à pleurer et en sanglotant, dit :

« Vite faut appeler papa, il est docteur des animaux. »

Cet incident, montra aux grands cerveaux, que toutes les théories ne sont d’aucune aide sur le terrain. Seul le bon sens prime. Evidemment, Cathy a été accusée de consigne insuffisante. Elle n’avait pas dit, de ne pas faire de mal au poisson.

Moi je lui aurai bien arraché quelques cheveux à ce Xavier pour lui faire ressentir dans son corps la douleur d’une amputation 😊 Je n’aimerais pas faire partie d’une multitude statique, mais plus d’une corporation qu’il ne faut pas chatouiller.

MLDS = Mission de Lutte contre le Décrochage scolaire

CAFIPEFM =Certificat d’aptitude aux fonctions d’instituteur ou de professeur des écoles maître formateur

IEN= Inspecteur Education Nationale

21 Comments

  • Oh Mijo ! Comme tu m’as fait rire avec ce texte ! D’autant que, même si je n’ai pas vécu cette anecdote de poisson « mourut », j’ai, en deux ans d’exercice, une flopée d’exemples de la sorte… Je me rappelle un enfant, qui, pendant une cérémonie toute officielle avec parents et vidéos à l’appui, avait hurlé « crève Pétassou, crève ! », vindicte qui n’avait pas été préparée en amont (par manquement, bien sûr, de ma propre personne « on est polis avec le Pétassou, toujours »). Bref, ton histoire a fait remonter de sacrés souvenirs au sein de cette douce éducation nationale et de ses injonction pédagogiques… aurais-tu oublié l’influence de Gueguen et Goigoux ;)? Belle soirée à toi, Sabrina.

    • Hello Sabrina, toi aussi tu m’as fait rire avec « Crève Pétassou, crève ». On devrait noter toutes les perles de nos marmots, pour des parties de fou rire lorsque l’automne de nos vies approche. Non, la VEO ( Violence Educative ordinaire) de Gueguen n’était pas encore d’actualité lorsque j’étais dans la phase d’apprentissage pour être maîtresse.Idem pour Goigoux.

  • Alors… Comment dire ?… Xavier aussi, pour moi, c’est NON !!
    (cherche pas : intimate private joke)
    Sinon, dis donc, quelle méritoire trajectoire que la tienne, au sein de ce triste foutoir qu’est L’E.N !
    Pour preuve ? Ton subtile détournement de la phrase imposée.
    « Imposer »… Dans l’expérimentation, au naturel, du vivant, en langage MiJoté, la réaction idoine, c’est : « imploser » !!! 💣‼

    • cooki David, oui ça laisse des traces, voire des sillons creusés profondément pour certains…sauvegarder son intégrité, son authenticité est la clé pour s’en sortir.

  • Gros malaise au fond du bocal !
    Faites entrer l’accusé !
    🤣🤣🤣🤣
    Nan méééh, cessez d’utiliser le vivant comme objet d’étude !
    La nature n’est pas un jouet, que diantre !
    😋😋😋😋

    • oui tu as raison, voilà à quoi mène l’ineptie des grands cerveaux, qui apprennent dans les livres, et se gargarisent des derniers courants comme d’une panacée sans une once de bon sens!!!

      • Et qui en plus voudraient donner des leçons aux autres !
        😂😂😋

  • Médusant, oui
    C’est authentique
    Sans noyer le poisson …

    Et puis, oui
    Tout n’est pas prévisible à l’avance.

    Sourire

    • merci Lothar de ta visite, et oui avec les enfants, comme c’est de la matière humaine, tout peut arriver, l’heureux inattendu comme le pire et désastreux imprévu.

  • Merci à toi Mijo…

    Et
    À propos de poisson
    Je te poste aujourd’hui
    Mes poissons alphabet

    Histoire de rebondir
    Un peu
    Hors de l’eau …

    Sourires

    • Hé bé Lothar ce sujet de rentrée t’inspire, bravo . Je m’en vais te lire. Tu connais la chanson, il est une école de poisson au fond de la mer trala lala laa

  • Belle participation. Je ne connais l’EN que vu d’en bas (monter sur l’estrade était souvent pour moi synonyme de catastrophe). Mais à te lire, j’imagine bien cette ambiance de futurs profs.

    • Oh oui John, il y a de belles anecdotes sur les montées d’estrade devant l’EN 🙂

  • Pôv petit poisson mourut! C’est sûr que les enfants sont toujours surprenants et font des choses inattendues.
    Merci d’avoir partagé ton souvenir avec nous.

    • Merci Bernadette de ton passage. Oui les enfants sont très inventifs, il faut croire en eux.

      • Toutes ces théories pour en aboutir au poisson mutilé-mouru 😅. J’éprouve de la sympathie pour la petite Cécile qui, entre ses sanglots, pense à suggérer d’appeler son papa, docteur des animaux.

        • Oui la pédagogie ne pourra jamais prévoir toutes les réactions des enfants.

  • J’ai bien ri aussi…
    Jamais une fiche de prépa n’a pu anticiper l’imagination enfantine !

    Pauvre poisson, paix à son âme.

    Mais il se pourrait que ce petit Xavier ait beaucoup d’avenir
    comme biologiste dans certains labos.
    Dans les expérimentations médicales, faut pas croire que les consignes
    incluent le fait de ne pas faire mourir le cobaye…

    On demande juste de compter combien sont « mourus »,
    et combien ne sont pas mourus…:-)

    • Merci La licorne, effectivement je ne m’étais pas interrogée sur les expérimentations médicales en labos. Qui sait Xavier y travaille peut-être et fait des expériences en live 🙂 En tout cas oui, l’ingéniosité des enfants de maternelle, ne peut être anticipée sur le papier tant elle est riche, surprenante et inventive.

  • Finalement c’était plus rigolo avant l’école « normale »! On en est toujours au même point : pour l’expérience, celle des autres ne sert pas, il faut s’y coller en vrai un jour. Mais ça permet en tous cas d’écrire un texte drôle des années plus tard. Merci pour cette belle tranche de vie

    • Merci Nadiège, oui c’est inouï comme on peut refaire, et refaire sans cesse les mêmes erreurs. A croire qu’avancer fait peur, alors on se rassure en recommençant ce que d’autres ont essayé, peu importe le résultat.

2 Pingbacks

Leave a Comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *