Le Restopode. (AI janvier 2024)

C’est Tiniak qui ouvre le tour de manège de l’AN Nouveau (nononnon, c’est pas le Beaujolais) mais bien d’écriture et de calembredaines dont il s’agit. Vous trouverez les consignes ici

Par la fenêtre ouverte force est de constater que La Laitière n’est pas le parangon de générosité avec sa mousse aux deux chocolats. Tigrelot, escargot de Bourgogne ose venir lui crier famine du bout de ses antennes aux yeux de merlans frits. Rien n’y fait La Laitière n’a pas le partage au bout de la louche. Et pourtant, plus la moindre tige de « pisse au lit » ni la moindre marguerite à grignoter. Miss Volaitue Poussetelle, brûlée par le givre est peu appétissante, quant à la menthe, elle se lamente sur ses jupons affriolants déchirés par les grêlons. Comment subsister se demande Tigrelot ? L’hiver a figé dans la glace toutes les particules de chlorophylle. Même les pampres de vigne n’ont pas survécu à la morsure de l’hiver. Hérons, canards, hérissons et oiseaux armés de colichemardes et de flamberges se font plus redoutables que jamais pour la communauté gastéropodienne. La faim rendant aveugle le plus prudent des escargots, Tigrelot, au péril de sa vie, a l’audace de se traîner au bout de ses forces à s’en dessécher les glandes salivaires, jusqu’au roseau du gros crapaud en connexion Bluetooth avec les plus grands esprits védiques.

─ Hola vénérable Crapaud, la période glaciaire a ruiné tous les subsides chlorophylliens, dans ta grande clémence, consulte l’esprit des védas et indique-moi où trouver à me sustenter.

Le crapaud aussi rusé que Goupil, voit son propre bénéfice. Le malheur des uns fait bien le bonheur des autres se plaît-il à penser.

─ On me dit que tu dois continuer à baver sur le chemin vers le sud. Un succulent Restopode tu trouveras et tu te repaîtras. Va t’engraisser tu es bien trop maigre pour tenter ma dent creuse.

Sans demander son reste, Tigrelot a pris la poudre d’escampette. Chemin faisant, peinant à chaque reptation sur le sol congelé, Tigrelot, grelotte mais ne se laisse pas décourager ni par le danger du froid ni par les prédateurs.

Enfin, il a le Restopode en ligne de mire. Encore quelques centaines de mètres, autant dire une éternité pour l’hermaphrodite gastéropode.

Si seulement j’avais un bigophone, j’aurais passé un coup de grelot à un taxi. Regrette Tigrelot in petto.

Au prix d’un ultime effort, Tigrelot arrive au pied du temple culinaire. Il se voit déjà festoyer à s’en faire péter la panse.  Un fumet d’ail et de persil attise son appétit, le grésillement d’oignons qui se dorent la pilule dans une huile d’olive première pression le fait saliver sur le menu. Menu qui est pour le moins surprenant. Jugez par vous-même :

*Gaz-thé-Ropode, vers de terre sur lit de pousse d’épinard et sa vapeur moléculaire.

*Colis Maçon, pied d’escargot et son espuma de bave.

*Brocciu en héliciculture, Petit Gris fermenté et sa purée de lit masse.

* La coquille hélicoïdale et son coulis de framboise, hermaphrodites confites dans son bain chocolaté.

* T’as de beaux yeux à l’antenne, sorbet de regard élevé aux spéculos.

Tigrelot se régale du regard aux différents plats servis dans de jolis coquilles saint jacques. Les couleurs, les sauces et les odeurs extirpent ses dernières gouttes de salive, lorsque se pointent un Petit Gris accompagné d’un escargot Corse :

─ Hey Tigrelot, mais que fais-tu en territoire ennemi ?

─ Salut gars ! Territoire ennemi ? Fadaise ! Vous bavez n’importe quoi, ici c’est le paradis des papilles. Nom mais humez un peu ces grillades de langues ! Visez l’onctuosité de la sauce hollandaise.

─ Ma parole tu as la cervelle qui dégouline dans ta bave, s’exclame Petit Gris.

Dresse-donc tes cornes et orientes bien tes yeux. Que lis-tu sur l’enseigne de ce restopode, lui demande le Corse.

Etirant au maximum ses télescopes oculaires, Tigrelot essaie de lire, mais l’âge aidant, il n’y voit que pot.

Agacé Petit Gris, lui chausse sur le museau deux loupes.

─ Kgouille dans l’AS7, lit Tigrelot.

─ Alors ? « cagouille » ça te parles ? Braille Petit Gris.

En état de sidération, Tigrelot, ne bave plus. Il vient de comprendre et s’est asséché.

─ Mais pourquoi mettent-ils nos alter ego dans l’assiette ?

─ Allons Tigrelot ne soit pas aussi mou du cerveau qu’une limace. Qui sont les clients du restopode dans lequel tu rêves de festoyer ? Rétorque le Corse.

─ Maintenant que tu me le dis, je ne regardais que les assiettes et là je ne vois que des hérons, des hérissons, et oh, nom d’un gastéropode : Des crapauds ! Mais quelle horreur ! Comment peut-on faire des plats avec une si belle texture, des odeurs à vous faire traîner la langue que vous pourriez nettoyer l’entrée du restopode pour y entrer.

─ En même temps les patrons s’appellent Héli et Sylvie Culture. Ils étaient prédisposés à devenir nos bourreaux en mode Top Chef, car je ne sais pas si tu as vu les tarifs de la carte, ils n’y vont pas avec le dos de la cuillère.

Moralité : L’habit ne fait pas le moine, pas plus qu’un fumet n’est la garantie de bien manger. Et pourtant que serions-nous prêts à manger pour survivre en période de disette ?

19 Comments

  • Heureuse de te lire et découvrir ce nouveau texte pour l’agenda ironique. Superbe !

    • Cooki Isabelle, merci de ton passage et joli tour de manège à toi pour cette année, un tour de 366 jours pour rire, danser et écrire.

  • Et pourquoi donc un escargot ne pourrait-il avoir des mœurs cannibales, mmh ?
    Moi, à la lecture du menu, j’ai bien salivé, en tout cas.
    Merci pour cette gourmande contribution à L’A.I. Mijo Chère.
    Ai tout bien relevé les éléments de la consigne, parmi lesquels tu peux encore graisser ton « védique », d’ailleurs 😉
    A très bientôt plus vite que ça, donc. Ici ou là… au gré de l’Agenda du mois.
    Des zoubilles bien baveuses, du coup 😀

    • Une fois cuite, n’importe quelle viande peut être consommée je crois lorsque la faim tenaille. Bizh à toi l’ami des mots et des belles lettres:)

  • si, si, les escargots mangent des cadavres d’escargot, j’ai assisté à cette scène d’épouvante dans mon jardin 😉

    • Misère en plus d’être hermaphrodites ils sont cannibales!! Je regarderai avec un oeil nouveau les escargots maintenant. Bonne année Adrienne et merci de ton passage.

  • Très drôle, dur dur la vie des gastéropodes.

    • Merci John de ta lecture et ravie de t’avoir fait sourire 🙂

  • Ah Mijo, comme toujours un plaisir de te lire et de relever tous tes jeux de mot disséminés ici et là ! La vie semble avoir gelé l’esprit de tous, même les gastéropodes ! Tu as dû beaucoup t’amuser à composer ton menu ;), belle journée à toi, Sabrina.

    • Cooki Sabrina, merci de ton passage. Oui la neige soudaine en Bretagne m’a aussi givrée le cerveau, pour écrire des choses encore plus délirantes 🙂

  • Hihihi, un festival de jeux de mots (laids ?)

    • Merci JLouis, pensais-tu aux oeufs mollets?

  • Pas mal le menu pour moi qui ne suis pas gastéropode 😉
    Voilà un agenda ironique et gourmand. What else?

    • Merciii 🙂

  • C’est mon univers didon 😀 en tout cas c’est tellement réussi ! 🙂

    • Oh joli le compliment merci Gibulène 😉

  • Tu as réussi une jolie et succulente mis en bouche avec cette histoire de Tigrelot en ce début d’année !
    Les jeux de mots sont exquis et régalent nos papilles grâce au menu alléchant !
    A très bientôt de te lire à nouveau…j’en bave d’avance..
    😋

    • Merci Marie-Christine d’être venue me lire.2024 peut-être année de consécration littéraire à voir…

  • Ah ! L’excellence est aussi bien dans l’assiette que dans les jeux de mots. Je me suis régalée à lire le menu et j’en ai salivé de plaisir ! Merci pour ce très beaux texte pour une mis en bouche de début d’année 2024 😉 Belle journée à toi ! Marie Christine

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