Bull, roule ta bille. ( AI avril 2025)

Temps de lecture : 3 minutes

Ce mois-ci cela se passe chez Carnets paresseux avec pour résumer : Thème générique :sphères (avec une esse à chaque bout).”
Et, pour qu’on signe à bon endroit : “…les mots imposés merlan, haruspice et trottin (et grésil), plus d’autres qui s’imposeront tous seuls pour les besoins de la narration (officiels ou inventés). La forme que vous voulez. Des dates, des jours, de la brume, de l’ironie et une morale.”

Cette année, à la fête des tournesols, on alterne parties de billard et de « pet-tank ». Pour cette nouvelle discipline, il s’agit de manier les boules tout en concourant pour le pet le plus bruyant. Le perdant doit gober le plus de balles de ping-pong possible ou affronter le vainqueur dans une logomachie, entendre sans mâcher ses mots.

C’est ainsi que je me suis retrouvée enveloppée d’un linceul brumeux, au petit matin de ce mois d’avril face à deux grands yeux ronds, enfoncés dans leur globe respectif. Ils me fixent, je me sens une cible. Déglutir m’est pénible. Ma pomme d’Adam joue au yoyo dans mon gosier. Le roulis de la barcasse n’arrange ni les loopings de mon estomac, tout tourneboulé, ni le tournis de ma tête plus lourde qu’un ballon de foot.

Bull, roule ta bille, surnommé ainsi à cause d’une silhouette crapoussine et de sa bedaine rebondie, ne bronche pas, mais il me dévore des yeux. Derrière lui, j’aperçois plus que je ne distingue, la ligne où le ciel rejoint l’océan. Une parfaite ligne droite. D’ailleurs comme peut-on mesurer la terre en kilomètres carrés puisqu’elle est ronde ?  Et comment le temps fait-il pour tourner rond dans des horloges carrées ? Je n’ai pas le temps d’éclaircir le tourbillon de mes pensées métaphysique, pour arrêter cette ronde stérile, qu’un mouvement dans l’eau, agite notre embarcation, me déséquilibre et me rapproche de l’autre. Contre toute attente, il m’apostrophe en ces termes :

─ Alors gueunnuche, ne tournons pas autour du pot, l’un de nous doit nourrir l’autre.

─ Me prend pour une greluche ce niguedouille. S’imagine faire de moi son casse-dale. Si vous comptiez vous repaître de mon modeste gabarit de trottin, sachez que vous pourriez vous rompre un chicot. Cela m’ennuierait de vous ravauder la gencive.

Le primate qui n’entend pas se laisser brocarder de la sorte, rétorque :

─ Dans ma simiesque bonté, je ne crains pas votre caquet, car si votre apparat n’est pas à votre avantage, le contenu de votre besace est prometteur.

─ N’essayez point de me rouler dans la farine avec vos grimaces d’esbroufeur et vos ronds de jambe. Jamais je ne me départirai de mon précieux chargement pour la couturière en chef.

─ Vous dindonnez ? Pensez donc ! Avouez que faire les courses pour la jupette exotique de Joséphine « Bye -Cœur » est le signe de ripailles gargantuesques, à s’en lécher mes babines de babouin.

─ Ma Foi, si vous êtes prêt à faire bamboche, je vous invite à choper un merlan. Nous pourrions ainsi à la manière d’un haruspice, lire dans ses entrailles le destin de mes bananes charnues.

─ Et comment s’y prendre ?

─ Facile. Penchez votre majestueuse stature par-dessus-bord et guettez un frétillant merlan. Je ne doute pas un instant que d’un coup de paluche vous puissiez être le roi de la pêche à tire-larigot.

À ces mots, celui qui est aussi rond qu’une sphère, entend entend le grésil’ment des plantains, ces petits rouleaux (non, pas de printemps) de chair tendre dorée, caramélisée, fondantes et va même jusqu’à sentir leur onctuosité lui dégouliner dans l’estomac.

En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, je lui plaque une puissante « dors-salée » qui le culbute dans les eaux froides. J’observe les quelques bulles qui témoignent du dégonflement de ses poumons sans broncher à ses appels à l’aide.

Le calme est revenu, plus d’ondes circulaires et cylindriques. L’eau est lisse. Je reprends les rames et regagne la rive.

Moralité : Lorsque la convoitise nourrit la sottise, vouloir considérer une gueunnuche comme une greluche peut s’avérer dangereux. Mieux vaut lui préférer la méfiance mère de sûreté.

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Mijo-Nouméa
  • Mijo-Nouméa
  • Née en Nouvelle-Calédonie, Mijo Nouméa explore plusieurs univers littéraires de la nouvelle au roman, en passant par la poésie et le théâtre.
    A écrit un vaudeville: "COACH EN SINISTROSE".
    Ses romans : "Plus con tu meurs" ( tome 1) et "Des gens divers et des divergents" (tome2) sont auto-édités.

11 Comments

  • Ah trop drôle Mijo ! J’ai le sentiment qu’il ne faut pas trop te taquiner le goujon sinon on finit en touché coulé et faire des ronds dans l’eau ! Bravo pour cette belle collection de beaux mots !
    A bientôt
    Marie Christine

    • Hello Marie-Christine, tant que tu sais nager, pas de sushi, tu ne te feras pas harponner par le moindre hameçon.

  • Joli !
    Quelle belle collection de ronds en tous genre…avec une vraie morale à la fin :

    (et bravo pour le grésil’ment des plantains : pas facile de placer du grésil dans les contrées ou toujours il fait chaud)

  • Très drôle ta version agendaironiquisée du corbeau et du renard. Mais mieux que La Fontaine, car dans ta fable, on ne sait pas avant le dénouement qui va gagner, quel suspens.
    John Duff

  • Un texte qui rebondit autant que tes romans policiers Mijo ! rien ne t’arrête 🙂

  • Le mystère des Bulles dorsphères résolu !
    Chicot rompu, gencives ravaudées, que de formules pas niguedouilles pour un trottin !
    C’est du haut de gamme ça madame !
    Bravo.

    • Merci bien du compliment qui roule, roule jusqu’à moi.

  • Que de ronds, que de ronds !
    Il y en a tellement…que la tête m’en tourne !
    Le « s » de sphères est bien respecté…
    et tout le reste aussi…

    Bravo Mijo !

    • Merci Licorne de ton passage jusqu’à ces ronds qui n’en finissent pas de tourner:)

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