La première morsure dans le ver de bancoule.

C’est la première qui compte pour annoncer un début d’abus ou de refus. S’initier à la dégustation du ver de bancoule n’est pas une sinécure. Les autres, de plus en plus communes avec un goût de  « reviens-y », dès lors que le dégoût est surmonté. La répulsion maîtrisée par des papilles apprivoisées à l’insecte vivant. Le dernier partage avec le premier cet écœurement rédhibitoire, sensation insurmontable de croquer un ver qui gesticule, se contracte et se rétracte pour échapper au tranchant des incisives acérées.

Mais la première morsure dans un asticot ça commence bien avant le palais par le « fouillage » de cette larve grasse, charnue et translucide de la taille et du diamètre d’un auriculaire. Il faut suer à grands coups de hache pour dégoter l’olibrius visqueux qui grouille dans le bois tendre du bancoulier en décomposition, que l’on entrepose dans des corbeilles de feuilles de cocotier tressées. Arrive l’étape du « bouffage ». Âmes sensibles s’abstenir. Comme il semble long l’instant de la première morsure. Pour les plus courageux se délecter du loustic se trémoussant entre le pouce et l’index, peut se faire lorsqu’il est cru. Après avoir arraché la tête, déposer le mets convoité sur la langue. Le sentir se contorsionner dans un dernier effort, plaquer alors la langue sur le palais pour aspirer le nectar du bougre en mordant à pleines dents. En apprécier la saveur noisette rehaussée par le dégorgement de la bête dans la chair de coco fraîchement râpée. Puis saliver et laisser mariner en bouche avant de permettre lentement  à cet épais concentré de protéines de descendre dans la gorge. D’autres, moins audacieux, ferment les yeux afin de modérer la nausée imminente, face à la perspective d’avaler un ver dodu, gélatineux et vivant, rempli d’un liquide blanc. Quelques grimaces pour dompter l’hésitation, responsable du mouvement de yoyo de la glotte à chaque déglutition de salive puis ouvrir la bouche et gober goulûment le zigoteau sans qu’il n’effleure les papilles ni même les parois de la cavité buccale. Quant aux réfractaires au crudivorisme, une cuisson avec ail et persil, flambée au pastis peut balayer l’inappétence pour cet aliment répugnant hors du commun qui s’apparente cuit au goût d’une crevette grillée. Les plus novices en la matière se surprennent à aimer cette texture molle, gluante devenue croustillante, quoique au-delà de cinq pièces crues ou cuites, l’overdose  s’installe. La satisfaction se lit sur les visages, on mord dans un ver de bancoule comme un rituel certifiant : tu seras un homme ou une femme lorsque tu l’auras mordu cru et vivant !

14 Comments

  • Dès la lecture, je me suis dit que je ne pourrai pas affronter ce ver cru, cuit peut-être ? Là juste avant midi, même flambé au pastis, je ne suis plus sûre de rien. En tous cas, la description que tu fais de cette expérience initiatique m’a profondément « remuée ».Bravo !

    • Hello Nadiège,
      merci de ta lecture et malgré tout bon appétit.

  • Hello Marie-Josée,

    Ta belle écriture ne m’a pas convaincu de tester le ver de bancoule. Je crains que les métropolitains soient peu sensibles à son charme, ni à son goût.
    Ayant ensuite découvert sur Internet sa taille, j’ai reculé d’un autre pas.
    Si un jour je suis obligé de le goûter, je le prendrai certainement cuit. Quel alcool aiderait à le faire passer ?

    Bon, c’est quoi le thème de ton prochain texte ?

    Bon week-end.
    Bientôt les plages pour toi à nouveau ? La marée basse devrait aider à prendre la décision d’ouverture.

    Jean-Claude

    • Hello Merci Jean-Claude de ta visite et de ta lecture, certes peu ragoûtante.

  • Magnifique description qui, tu t’en doutais, ne laisserait pas de marbre l’amateur que je suis. 😜

  • Très bonne description. Tu es bienvenue pour une dégustation si d’aventure tu revenais en vacances. 😉

    • Hello Christophe, ouais bah c’est pas mon pêché mignon!!!Suis pas prête pour le stage commando de survie. Merci de ta lecture.

    • Bah il faudrait envisager la version a¨l et persil flambée au pastis!! Mais je ne garantis rien.

  • Salut Mijo
    Je ne connaissais pas ton blog et je suis fortement agréablement surprise. Le ver de Bancoule je ne connaissais pas non plus, mais au vu de la description gustative aucune envie. A vrai dire pas habitué à ces mets exotiques (pas prête non plus pour le commando de survie… encore que… sait-on jamais… en plein crise corona… Hum:::
    Bel écrit. tu me reconnaitras Tupa

    • Merci Patricia, de ta visite et de ton enthousiasme.

  • Coucou Mijo , je Découvre Ton Blog et vient de Lire  » La Première Morsure dans le Ver de Bancoule « .
    Je t’ Aime Bien et j’apprécie ton Ecriture à nul autre Pareil , mais de là à Partager tes Goûts Culinaire , c’ est Niet !!
    Dis Moi on n’ en Trouve pas sur les Plages de Saint-Malo ?
    Si jamais je vais te Retrouver pour une petite Bronzette et … une Longue Discussion .
    Que Nous Prépares Tu pour ta Prochaine Ecriture … j’ espère un Met plus Comestible !!
    Comme Tu le dis Gros ZIBOUS et à la Revoyure !!

    • Bonsoir Marcel et Maryvonne, merci de votre passage, et rassurez-vous je sais cuisiner pour que cela soit comestible 🙂
      A bientôt.

  • Holala, tester le zigoteau cuit peut-être mais cru… Quoique, les huitres c’est bien pareil et j’aime!

    • Merci d’être venue me lire:) Nononon, loin de l’aspect d’une huître qui danse pas la danse de Saint Guy…

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