La pension « Marguerite »
Nouveau remue-méninges avec le Blog Chroniques Atmosphériques de Marie Kléber, qui nous propose chaque mercredi un atelier d’écriture créative. Cette semaine il faut employer une liste de mots: vacances, soupape, discours, horloge, soupir, zone, accumuler, procession, candeur, rente. Liste à laquelle il faudra ajouter 5 mots ayant pour terminaison – aire. A vos plumes!
En ce dimanche après s’être repus de crêpes sucre, beurre, nutella ou confiture maison, la joyeuse bande de Maurice semblait somnolente, en pleine digestion à la pension « Marguerite ». Mais il ne fallait pas s’y tromper, cette sérénité post prandiale n’était qu’un leurre qui masquait une véritable effervescence des neurones restantes. Nos septuagénaires et leurs comparses les « octo et nona géniaux », fomentaient en l’honneur de l’anniversaire de Ginette un plan peu ordinaire. Il faut dire qu’être centenaire pour le 1er mai, jour de la fête du Muguet était à marquer d’une pierre angulaire, surtout pour une repasseuse qui n’avait jamais compté ses heures, même pour la fête du Travail. Jusque-là, le discours syndicaliste de Gustave n’avait rencontré que les soupirsde ses colocataires de la pension.
─ il nous faut un truc genre feu d’artifice émotionnel et surtout que l’on s’marre.
Tous acquiescèrent à la suggestion de Simone. Mais le silence se fit lorsque Ginette s’approcha.
─ Alors les « vieux » on veut faire un feu d’artifesse ? En quel honneur ?
Prenant son air le plus candide, Maurice rétorqua qu’ils cherchaient à sortir de la zone de routine, lever, soins, gym douce, repas, sieste et belote ou bridge.
─ Comment une telle idée a pu naître parmi l’embouteillage de vos cerveaux ?
Sentant que Maurice allait se mettre à zozoter sous l’effet du stress. (Savoir tenir sa langue n’est pas qu’une affaire de femmes), elle prit les choses en main.
─ Tu ne t’ennuies pas toi Ginette de cette vie répétitive de ces jours que nous égrainons au quotidien. N’aurais-tu pas envie d’un peu de piment, ou mieux de pétillant ?
Ginette haussa les épaules, prétextant qu’elle n’avait plus le de temps à perdre, qu’elle avait l’audace aussi grande que sa curiosité. D’ailleurs elle était en retard pour son vol en montgolfière qu’elle s’était offert en avance pour ses 100 coups à l’horloge de sa vie.
─ Quand j’vous dis qu’il faut un feu d’artifice pour la Ginette !
─ C’est bien ce qu’on cherche Simone. Râla Maurice.
Jeannot tenta de proposer quelque chose mais ayant oublier de remettre son dentier se fit vite rabrouer par la Simone, qui voulait chiper la place de leader de Maurice. (On nous apprend dès le cours préparatoire que pour bien parler il faut de bonnes dents, sur lesquelles la langue peut rebondir pour sortir les phonèmes.)
─ Elle a déjà essayé le saut en parachute en tandem, conduit la traction de Gustave sans la capote. Ah fallait la voir avec son chapeau attaché par un nœud bleu. Quelle allure elle avait avec ses yeux maquillés façon Rita Hayworth et son sourire à la Grâce Kelly.
─ T’as toujours eu le béguin de Ginette, hein Maurice ?
Ce dernier rougit et fit semblant d’avoir de la buée sur ses lunettes à cause du masque. Tous savaient qu’il avait la larme facile. Pourtant se leva, se gratta la gorge. Il avait encore de la prestance, même s’il flottait maintenant dans son pantalon beige en velours côtelé, sa chemine de bûcheron canadien à carreaux verts.
─ J’ai bien une petite idée.
Toute la bande était suspendue à ses lèvres dans un silence religieux, si ce n’est la bouteille d’oxygène de Marie-Louise qui couinait à chaque respiration. Fier de captiver encore son auditoire comme au temps où il était conférencier sur des sujets d’histoire en particulier le Moyen-Âge.
─ On connaît tous la propension de Ginette pour tout ce qui sort de l’ordinaire, des sentiers battus. Elle adore la danse, vu tous les Danse avec les stars qu’elle nous imposent, les replays des compétitions de patinage artistique sans compter toutes les vidéos youtube qu’elle matte avant de s’endormir ou dès quatre heures du mat, lorsque son sommeil se fait rebelle.
─ Et donc ? Viens-en au fait !
Simone qui allait toujours droit au but avait peine à supporter les tergiversations de Maurice lui étaient insupportables.
─ Transformer notre réfectoire en saloon, chausser nos santiags (enfin nos pataugas), coiffés nos stetsons et sur des musiques country lui faire vivre une ambiance far-west.
─ Ça va nous coûter au moins deux reins et une vésicule cet’affaire !
─ Bien sûr toi Simone avec tous les oursins que t’as dans les poches, c’est clair que ça va te faire mal Miss Picsou.
Simone le foudroya du regard. Gustave opina du chef pour demander la parole. Ancien postier au guichet, puis trésorier dans plusieurs associations de son bourg, du club de pétanque, au club des vieilles voitures en passant par l’amicale des coopératives agricoles, il avait l’habitude des budgets, des chiffres et mieux savaient comment trouver des fonds.
─ Si chacun met un peu de sa rente ou de ses biens préciputaires on peut réunir de quoi aménager notre salle de repas, et voire même de quoi inviter un chanteur de country. Certes on n’aura pas un Willie Nelson mais une virée en Harley Davidson et un Eddy Mitchell ça serait pas mal non ?
Tous applaudir et aussitôt dit, aussitôt la troupe se répartit les tâches. Ginette partant pour les vacances de Pâques chez ses petits-enfants, ils auraient ainsi le champ libre pour les préparatifs.
J’adore !
C’est vivant, pétillant, plein d’humour joyeux !
Pas toujours facile de trouver une idée qui plaise mais je sens qu’ils sont sur une bonne piste !
Merci beaucoup pour cette belle participation. Un plaisir qui je suis sûre enchantera d’autres lecteurs.
Hello marie, merci de ton passage et ton enthousiasme.
C’est une belle surprise qui se prépare ! Un petit groupe bien sympathique en tout cas et une jolie participation. Belle et douce soirée !
Cooki Sandra, merci de votre passage. Je m’en vais vous lire 🙂
Quel texte vivant et enjoué avec ce dialogue, j’adore !
Oh que j’aimerais être un petit oiseau et assister à cette fête!
Bravo!!!!
Hello Josée, merci d’être venue me lire 🙂 Je comprends que vous aimeriez être le témoin de l’amusement de ces joyeux drilles. Ils nous donnent une leçon de vie: rire, vivre, bouger, s’aimer tant que le coeur bat, c’est l’essentiel de notre passage ici sur cette terre:)
Il est plein de peps ce texte. J’adore ta manière d’écrire, je t’ai même entendu parler 😉
Bonjour merci Isabelle de ton passage et de ton compliment élogieux 🙂
Merci Marie, je file découvrir Capitain Sandra et Josée 🙂